À quelle vitesse perdre du poids ?

Nous sommes constamment exposés à des arguments publicitaires fondés sur la rapidité de la perte de poids. Ces méthodes sont-elles efficaces ? Quels en sont les effets sur notre santé ? Que perdons-nous réellement ? À quelle vitesse devons-nous maigrir ?

Emmanuelle YAN notre diététicienne nutritionniste spécialisée en nutrition du sportif va répondre à toutes ces questions.

Emmanuelle peux-tu te présenter et nous parler de ta formation ?

Bonjour,

Je suis Emmanuelle Yan, j’ai 23ans, j’exerce dans la région albigeoise en tant que diététicienne. Je suis titulaire d’un BTS diététique et d’un bachelor en diététique & nutrition sportive/Chargée de projet nutrition. Au-delà de la connaissance des applications nutritionnelles préventives et curatives, ma spécialisation amène des savoirs plus approfondis en matière de nutrition, de recherche en alimentation et surtout en nutrition du sportif qui me permettent d’adapter une prise en charge plus ciblée.

Avant tout je suis une sportive (gymnaste et adhérente à Crossfit Caecilus) qui adore manger ! (mdr). C’est pour cela que je me suis orientée vers ce métier ultra passionnant !

Nous avons tous passé de bonnes fêtes avec les repas qui vont avec. Nous voudrions tous perdre rapidement les quelques kilos accumulés.

On voit souvent des publicités qui veulent nous séduire avec des régimes rapides, mais est-ce vraiment efficace ?

C’est vrai, on voit souvent dans les magazines des articles vantant les mérites de nouveaux régimes, capables de faire perdre jusqu’à cinq ou six kilos par semaine voir plus ! Si ces promesses sont bien sûr séduisantes, il est important de garder à l’esprit qu’une perte de poids durable ne peut s’envisager que sur une longue période. Certes, il est possible de perdre quelques kilos en s’affamant, mais ceux-ci reviennent dès que l’on reprend ses anciennes habitudes alimentaires. Cela s’appelle le régime yoyo.

Pour être sûr de conserver un poids stable de manière durable, le plus important est de maigrir lentement mais sûrement.

Peux-tu nous donner des précisions sur cet effet yoyo ?

L’effet yoyo est une reprise de poids supérieure à une perte de poids effectuée sur du court terme. Elle est attribuable à la combinaison entre notre métabolisme de base, notre répartition entre tissus musculaire et graisseux, nos hormones, nos gènes, notre niveau de stress et notre manière de manger.

Tout vient d’un malentendu car notre poids d’équilibre, atteint en mangeant en fonction de nos besoins et de la vraie faim, n’a rien à voir avec notre poids idéalisé qui est suscité par les publicités qui prônent la minceur.

À chaque cycle de « régime –reprise de poids », la proportion de graisse corporelle augmente et les risques de développer des maladies en lien avec l’obésité augmentent aussi.

Sur le plan physiologique, un organisme qui subit une privation aura tendance à économiser sa dépense énergétique et lorsque le corps est avide de la moindre rentrée d’énergie, il se met à stocker.

Dans les régimes, on favorise souvent les protéines et les légumes mais on oublie les glucides complexes (féculents) qui sont le carburant du cerveau. Si l’apport en glucides est insuffisant, le cerveau va puiser dans les muscles pour transformer les acides aminés en sucre, or ce sont les muscles qui dépensent les graisses, il n’y aura donc pas de perte de masse grasse.

Le poids « idéal » atteint, la tendance est à l’arrêt du régime avec reprise de quelques excès et bien souvent du grignotage à base de sucre simple (sucre ajoutés, pâtisseries, sucreries…). Ce sucre étant en surabondance, il ne va pas être consommé par le cerveau, les cellules et les muscles et se trouvera donc stocké sous forme de graisse, c’est la lipogenèse.

Et d’un point de vue comportemental, cela doit être éprouvant pour la personne ?

Effectivement, le fait que le cerveau a encore plus envie de stocker des graisses a des répercussions sur le comportement.

Je m’explique : L’envie de manger augmente chez les personnes qui effectuent des régimes et cette envie ne diminuera pas si la personne reprend du poids car son cerveau reste convaincu que des famines à venir sont probables. La réponse que fait le cerveau à cette incertitude sur l’approvisionnement en aliment induit une prise de poids.

Quels sont les risques de cet effet de yoyo et donc d’une perte trop rapide de poids ?

Au fur et à mesure que le taux de masse grasse descend, le corps réclame de l’énergie supplémentaire à utiliser. Il va alors chercher les acides aminés disponibles dans les muscles et les organes, engendrant ainsi une perte musculaire…

Il y a aussi une perte d’eau. Lors d’un changement drastique de mode alimentaire entraînant une perte de poids rapide, l’eau captée dans les cellules graisseuses va manquer dans le milieu extracellulaire et provoquer de la rétention d’eau !

Par ailleurs, la perte d’eau occasionne une fuite des minéraux qui servent habituellement aux métabolismes de l’organisme. Il y a donc carence et fatigue physique et intellectuelle !

Si l’on ne garde pas une alimentation équilibrée, le corps va souffrir de carences et manquer de ce dont il a besoin pour fonctionner. Il y aura des retentissements sur la qualité des cheveux, des ongles, de la peau…

Comment sortir de cet effet yoyo ?

Pour en sortir, il faut réapprendre à manger autrement. Manger moins mais de tout et mieux, sans oublier les notions de dégustation, de plaisir, de partage et de convivialité. Et pratiquer une activité physique régulière ! Et savoir dire non et ne pas se forcer pour faire plaisir aux autres. Cela sera bien plus efficace pour vous aider à atteindre votre poids idéal que suivre des régimes fondés sur un calcul astreignant des teneurs caloriques.

Donc quand nous maigrissons nous ne perdons pas seulement de la masse graisseuse.

Est-il possible de mettre en rapport vitesse de perte de poids et qualité de ce que nous souhaitons perdre ? Et en quoi une perte de poids lente est plus intéressante ?

Il faut déjà savoir que moins on a de poids à perdre, moins on peut se permettre de perdre rapidement. Pour éviter un déficit trop important de minéraux, d’eau, de « muscles » et favoriser une perte de masse grasse durable, il faut compter un maximum de 3-4kg par mois. La perte de poids lente sera plus durable et moins perturbante pour l’organisme.

Il est d’ailleurs préférable de parler de perte de % de masse grasse. Une activité physique associée à un rééquilibrage alimentaire peut produire un gain en poids qui sera lié à une augmentation de la masse musculaire. Le poids n’est qu’un chiffre sur la balance, fiez-vous plutôt à votre apparence dans le miroir et à la taille de vos vêtements.

Il existe une formule qui fixe autour de 77kcaljour/kg la perte de gras maximale physiologique que l’humain peut perdre. Un homme de 100kg avec une masse grasse de 25% peut espérer perdre au maximum 1925 calories soit 214g de graisse par jour, ce qui revient à 1,5kg MAXIMUM par semaine. Une personne de 70kg avec 10% de graisse corporelle pourrait perdre 590 calories soit 60g de graisse par jour et 420g par semaine. Il est donc très difficile de perdre plus d’1kg de graisse par semaine !

Alors comment faire ?

Pour éviter cet effet yoyo des kilos qui reviennent après un régime, il est indispensable d’agir sur ces trois composantes : l’alimentation, l’activité physique et le psychisme.

Il s’agit d’apprendre à mieux manger tout au long de sa vie. L’alimentation doit comprendre des fruits et légumes pour leur richesse en fibres, vitamines et minéraux ; des céréales complètes (pâtes au blé complet, riz complet, quinoa…) pour leur teneur en glucides complexes qui servent de carburant ; des fibres pour le transit intestinal et leur richesse en certains vitamines et minéraux. Il est important de limiter les graisses saturées qui sont majoritairement les graisses animales et qui représentent des facteurs de risques dans le développement de maladies cardiovasculaires. Il y a lieu de favoriser les graisses insaturées qui sont présentes dans les huiles végétales (huile de colza, olive, lin, noix, pépin de raisin…). Il est aussi important de revoir les techniques de cuisson en préférant les cuissons à l’eau, à la vapeur et au four plutôt qu’à la poêle ou au grill. Et n’oubliez pas de boire pour compenser les pertes hydriques de la journée et de limiter votre consommation de sel pour éviter la rétention d’eau. Il est dont important de satisfaire son appétit tout en baissant LÉGÈREMENT son apport calorique.

D’un point de vue sportif. Il est important de pratiquer une activité physique endurante et musculaire (je laisserai le soin à Pierre d’expliquer tout ça au niveau physiologique LOL). Pour perdre du poids, votre corps doit dépenser plus qu’il ne reçoit. Il est indispensable de travailler sur l’endurance pour utiliser en priorité les graisses à des fins énergétiques. Il est aussi intéressant de développer sa masse musculaire pour entraîner le muscle à brûler la graisse.

Pour conclure, l’aspect psychologique a sa place ici car la frustration et la culpabilité alimentent le cercle infernal des régimes yoyo. Il est donc important d’adapter son régime à ses goûts et à son mode de vie. Mon rôle est d’élaborer un programme adapté à chacun.

Merci Emmanuelle pour ces précieux conseils