Valentin, voici quelques chiffres pour illustrer le sujet d’aujourd’hui : 4 millions de français consomment toute l’année des antidépresseurs, soit 6 % de la population. D’après une étude, 1/3 des gens qui prennent des antidépresseurs n’en ont en fait pas besoin.

Valentin peux-tu nous décrire ce qu’est une dépression et le fait de pas avoir le moral ? Est-ce juste mental ? Ou y a-t- il aussi un effet physiologique ?

« Le moral » est une notion impossible à quantifier parce que, comme pour la douleur, il s’agit de quelque chose de totalement subjectif. Chaque individu va donc estimer lui-même, en fonction d’un niveau habituel et acceptable pour lui, s’il a un bon ou un mauvais moral. Cette estimation est directement liée à l’histoire personnelle ainsi qu’aux ressources psychologiques qui sont disponibles à ce moment.

La dépression est une maladie, ce qui veut dire qu’il existe un tableau symptomatologique établi qui permet de poser un diagnostic et d’envisager des traitements adéquats en fonction de la gravité et des perspectives d’évolution. Il s’agit d’une maladie très sérieuse qui peut conduire au décès du patient s’il n’est pas correctement pris en charge.

Dans les deux cas, un événement particulier ou une succession d’événements va conduire à une fragilisation de la personne et l’altération de son fonctionnement psychologique normal.

Un dysfonctionnement hormonal ou neurologique peut aussi être à l’origine d’un trouble dépressif ou l’aggraver. C’est justement au niveau de ce fonctionnement physiologique que se situe l’action des médicaments antidépresseurs. Il y a de nombreux autres symptômes que l’on constate ensuite dans le cadre d’un épisode dépressif, mais qui ne sont pas directement la conséquence de la maladie. Ils sont le résultat des changements de comportements qu’elle implique : perte de poids, fonte musculaire, baisse de l’immunologie…

Il est donc normal de pas avoir le moral quand on est fatigué ou quand on a une mauvaise nouvelle, donc comment faire la distinction avec la dépression ? Est-ce qu’un évènement malheureux qui nous sape le moral peut amener à une dépression, et si oui comment fait-on pour l’éviter ?

Ce qu’on appelle une « baisse de moral », « le cafard » ou « une déprime » est en quelque sorte le premier stade d’un syndrome qui reste léger –voire banal- à cet instant.

Le tableau symptomatologique de la dépression comporte des éléments spécifiques à la dépression (comme la perte de plaisir et d’intérêts) et d’autres non spécifiques parce qu’on les retrouve régulièrement dans de nombreuses maladies (comme l’insomnie ou la fatigue).

La différence entre une altération banale du moral et un épisode dépressif se situe dans la multiplication des symptômes, leur gravité, et surtout dans la durabilité de l’état de la personne. La dépression est donc un état complexe, grave et qui dure plusieurs semaines.

Attention, cela ne veut pas dire qu’il faut minimiser une souffrance psychique ! Comme un petit rhume peut se transformer en infection respiratoire grave, une simple baisse de moral peut se transformer en dépression grave !

La souffrance psychique est encore plus difficile à exprimer et à comprendre que la souffrance physique. Parce qu’on n’observe pas la blessure, le dialogue est parfois compliqué avec notre entourage. C’est la raison pour laquelle il faut parler très tôt de ces difficultés à un médecin ou un psychologue qui pourront évaluer la situation,
rassurer et orienter le patient sur le bon parcours de soin.

Si les antidépresseurs existent c’est qu’ils sont utiles, mais on dit aussi qu’ils nous coupent de la réalité en modifiant notre perception des choses. Dans quelles circonstances est-il primordial d’en prendre ou de ne pas en prendre ?

On diabolise beaucoup les antidépresseurs parce que le débat qui les concerne dépasse largement leur seule efficacité : l’accompagnement psychologique des personnes souffrant de dépression est rendu difficile par le non-remboursement du suivi par un psychologue libéral et le débordement des Centres Médico- Psychologiques. Autrement dit, un médecin est souvent dans l’obligation de prescrire un antidépresseur quand il n’a pas réellement d’autre alternative pour répondre à une demande qui lui est adressée.

Les antidépresseurs sont des médicaments efficaces qui doivent –comme n’importe quels médicaments- être prescrits dans un contexte précis et maitrisé, et faire l’objet d’un suivi régulier pour être enfin réévalués, voire retirés s’ils sont inefficaces ou qu’ils produisent des effets indésirables.

Ils permettent de faire tomber les premiers obstacles de la maladie (isolement, absence de volonté…) et d’engager un travail de psychothérapie, mais aussi de stabiliser durablement l’état du patient.

Existe-t- il des moyens afin d’éviter un traitement antidépresseur ? Existe-t- il des activités particulières, des consultations, ou toutes autres choses qui pourraient nous aider à aller mieux ?

Éviter non ! Quand l’état du patient le justifie, l’ensemble des moyens thérapeutiques doit être mis en œuvre.
Néanmoins, le traitement d’un épisode dépressif ne peut pas se résumer sur toute sa durée qu’aux seuls médicaments.

Une fois que les troubles sont suffisamment atténués et contenus, on doit engager un travail de compréhension : que s’est-il passé et pourquoi l’état du patient s’est-il dégradé ? Quels moyens mettre en place pour permettre la rémission et éviter une rechute ?

À propos des moyens, absolument tout peut aider à aller mieux, cela dépend de la personne et de son histoire personnelle : un travail de réflexion sur soi, une réorganisation de son environnement, une reprise de lien sociaux, un investissement
dans une activité…
Il est très difficile d’aller complètement mieux sans ce travail, qui doit nécessairement être conduit par un professionnel habilité à reconnaitre les symptômes, maitriser les risques et guider le patient (médecin, infirmier spécialisé ou psychologue).

Comment le sport peut-il agir sur cette dépression ? Peu importe le sport ?
Collectif/Individuel ? Intense/ doux/ court/ long ?

On l’a vu dans un article précédent, le sport permet de stimuler le fonctionnement neurologique et endocrinien, ce qui permet non seulement d’éprouver du bien-être (exactement comme lors d’une relation sexuelle), mais encore de prévenir le risque de dépression et d’atténuer la souffrance morale.

De même, en fréquentant une salle de sport, une équipe, ou une communauté qui partage la même activité, on évite l’isolement social qui est l’un des symptômes principaux de la dépression. La formule est à déterminer au cas par cas, selon l’état psychologique, les ressources disponibles et l’objectif global. Il n’y a donc pas de meilleure activité physique qu’une autre, l’essentiel étant de bouger régulièrement pour reconnecter le
corps et l’esprit… et surtout de prendre du plaisir !

Le sport est un complément extraordinaire et désormais largement reconnu dans la prise en charge de la souffrance psychique. Le rôle du coach sportif est ici primordial, puisqu’il aide la personne à fixer et atteindre des objectifs. Enfin, il constitue un repère solide et rassurant qui n’est pas –pour le coup- un soignant en blouse
blanche.